Des Paysages qui nous Ressemblent

Se promener de vignoble en vignoble, c'est, là encore (et c'est bien l'esprit de ce projet), découvrir des signes, des perspectives sur notre propre histoire, notre propre devenir en tant qu'espèce peuplant avec d'autres la surface de cette planète.
Ces derniers temps, j'ai parcouru un vignoble suisse qui regarde le lac Léman, au chaud sur son coteau sud. De l'autre côté se dressent les Alpes du Chablais et du massif du Mont-Blanc. Enfin, au chaud, c'est vite dit, en cette fin de mois d'avril, le temps était froid, venteux, pluvieux, on a même ramassé une averse de neige sur l'autoroute du retour, en pleine nuit. On faisait pas les fiers !

C'est très intéressant, la Suisse, ça nous interroge sur pas mal de sentiments par rapport à la nature et à l'action de l'homme. D'abord, c'est un pays qui est tout entier inscrit dans une démesure de cette nature, plutôt hostile, in-humaine, froid, neige, glace, pentes fortes, la montagne extrême est présente à chaque détour et s'impose, se rappelle à notre condition : nous ne sommes rien, des fourmis qu'un souffle balaie, qu'une poussière écrase. Tout cela devrait nous amener à une réelle humilité, à une conscience forte et respectueuse de cette puissance dévoilée.
Et effectivement, peut-être peut-on lire cela dans le village suisse, une certaine humilité, mais pas servile, non, assez sereine, assez puissante, on bâtit des maisons fortes, des murs solides, des bâtisses bien assises dans la terre, bien grandes pour y mettre au chaud tout ce dont on a besoin pendant l'hiver... Et on y garde une simplicité sincère, un accueil discret et gentil. On prend soin de soi et de son voisin si besoin. Et même de l'étranger si il le faut.
Alors, d'où vient ce sentiment un peu étrange qui nous saisit quand même quand on déambule sur ces petites routes qui ondulent dans les vignes, qui franchissent de petits hameaux charmants, presque charmeurs.
D'où vient ce sentiment... de ne pas être tout à fait invité. Rien ne laisse paraître un quelconque rejet, une quelconque méfiance.
Tout est tellement net. Tout est tellement ordonné !
En fait, c'est ça : on a peur de marcher sur les plate-bandes. On a peur d'abimer les fleurs. On est dans un jardin privé, entièrement fait de la main de l'homme,un petit jardin de curé entouré de ses grands murs qui le protègent du monde, tout est très beau, toute est touchant d'attentions données à chaque massif, à chaque champ, même les vaches sont aimables et souriantes, et les vignes sont douces et sérieuses, les chemins propres et pratiques.
On ne nous dit rien, mais on devine les gens qui regardent derrière les fenêtres, vérifient que l'ordre ne va pas être brisé. Bien sûr, ce serait injuste de reprocher ça à la Suisse seulement, ici en France les campagnes vivent cela aussi, et depuis toujours probablement. Mais c'est ce paysage trop parfait, ces peintures trop directives sur la route, tout est dessiné pour vous indiquer ce que vous devez faire, quelle file suivre, quelle route débouche de derrière ce petit appentis, on vous recommande de faire bien attention, on vous suggère gentiment de vous garer au bon emplacement.
Comme on dit, tout est bien policé.
Ce qui est surprenant, c'est ce mélange de haute civilisation : on est aimable, on respecte, on écoute, on débat avec calme, sans prendre l'autre à partie, on veut surtout s'entendre et on fait des concessions, c'est bien ça la démocratie locale suisse, il n'y a pas de prises de pouvoir autoritaires, il y a ententes entre les camps pour vivre.
On ne fait pas la révolution, on compose.
Alors la vigne est bien ordonnée.
Mais n'est-ce pas un étrange paradoxe ? Comment la vigne, cette liane sauvage, exubérante, envahissante, grimpante, résistante, rebelle, peut être ainsi traitée, niée dans sa propre nature ? C'est d'ailleurs étonnant ; pour nous, les paysages de vigne, et je ne parle pas que de la Suisse mais bien de presque tous les paysages de la vigne, sont associés à une image d'ordre, de géométrie pure, de composition abstraite et rythmique.Ça n'a d'ailleurs pas forcément été une permanence dans l'Histoire. Les Romains semblaient planter en ligne, il est probable qu'au Moyen-Age on plantait "en foule" comme dit Raymond Paccot, c'est-à-dire en mélange, tel que les pieds venaient, et les cépages mélangés. Ce n'est que depuis le phylloxera, une fois que toutes les vignes eurent été arrachées, et que les nouvelles maladies du mildiou et de l'oïdium soient apparues, que les besoins de passages répétés et mécanisés pour les traitements ont imposé naturellement la plantation en ligne.
Tout cela s'est inscrit avec les processus productivistes et industriels du 20ème siècle, pour donner ces océans de vignes, cette monoculture intensive, pauvre en espèces ou en variétés, l'arrachage des haies et des arbres, de tout ce qui gênait.
La géométrie marquée est une forme d'esthétique, signature de cette culture. C'est beau, les routes des vins sont toujours magiques, c'est cet arrangement aimable entre les formes de la nature, qui souvent reste douce et sauvage à proximité, les vignes se nichant souvent dans des endroits peu agricoles, difficiles, et cette géométrie propre à l'homme, cet agencement ordonné, souligné, exagéré sans être agressif, ces stries obliques qui griffent notre désir de perfection.
Et pourtant le vin n'a vraiment rien à faire de cet ordre, me semble-t-il. L'esprit dionysiaque est-il vraiment contenu dans cette succession de traits pleins/traits creux, de 0 et de 1, de noirs et de blancs ; le binaire n'est pas très euphorique, le binaire n'est pas la complexité, la finesse, la richesse, le binaire n'est pas la folle épopée de la liane qui tourne en s'accrochant aux arbres dans l'espoir fou de monter jusqu'au ciel.
Alors le vin, la vigne, doivent-ils ressembler à ce qu'ils promettent ?
Voudrait-on voir aujourd'hui plus de complexité dans le paysage, plus de poésie, plus d'ivresse ?
Ou l'ivresse n'est qu'un plaisir incontrôlé qui n'a plus rien à faire dans notre monde policé ?

annexe : interview de R. Paccot - Domaine La Colombe - Féchy

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Le Poète - L'Imaginaire

Il ouvre ses yeux au monde magique, il perçoit les vibrations du monde d'à-côté, il déconstruit les pièces de notre réalité pour les réassembler autrement et leur donner un sens nouveau, une perception renouvelée.
Le Poète est celui qui réinvente l'enchantement du monde, sa profondeur et son mystère.

Peut-être est-ce là que se cache le noyau doux de notre humanité véritable ? Parcourir l'existence avec la capacité à percevoir au-delà du visible, du quotidien, posséder une sensibilité au frémissement du vent, se dire qu'il raconte une histoire, qu'il porte une trace d'information, ou essayer de deviner le sens de la mort, que deviennent tous ces actes et ces pensées qui ont inscrit notre vie dans cet univers.
Le Poète serait-il cette part de notre capacité à percevoir les mystères du monde ?

Ou ne serait-il que le triste témoin de notre incapacité à les saisir ? Une tentative maladroite et réprimée pour retrouver cette sensibilité extrême que nous avons perdu, cette connaissance instinctive mais non consciente des grandes forces de l'univers ?

Alors le Poète déconstruit notre monde rigide, cette réalité de plus en plus certaine, étayée, prouvée, expliquée. Cet arbre est là, il est fait de bois, de cellules, la sève montre, les sucres polysaturés sont assemblés dans les chloroplastes avec le CO2 et l'énergie solaire etc. Bien sûr, cela aussi porte une certaine poésie, comme tout univers inconnu, et le discoursn, le langage scientifique est un univers inconnu...
Je me souviens de Madagsacr, chez les Tanalas dans la forêt vierge, où les gens voyaient dans cet arbre le lieu où habite l'âme de leur ancêtre. Le monde est peuplé d'êtres invisibles, bien réels, agissants dans une autre dimension du monde amis qu'ils percevaient parfaitement. 
documentaire L'Arbre et le Feu 
Nous avons d'autres sens que les 5 que l'on noua attribue généralement (vue, toucher, ouïe, odorat, goût). Nous avons une perception intérieure, nous avons les rêves, nous avons l'intuition...

Alors le Vin, l'ivresse poétique va pouvoir s'exprimer, va déployer sa force transgressive pour nous aider à franchir ce mur solide de nos représentations installées depuis toujours, la description du monde admise et définitive qui nous fait tous voir le monde à peu près pareil - ce qui est possiblement le seul moyen de vivre ensemble... 
Le Vin est notre potion qui va nous révéler le monde magique. Il va, pour celui qui veut bien à ce moment ouvrir ses pétales de sensibilité, redonner du sens à ce que chaque chose, chaque objet chaque souflle chaque brise, chaque rayon de lumière, chaque son qui vibre autour de nous, chaque éclat de couleur chaque reflet chaque stimulation, le chaud, le doux, le chatouilleux, prenne sa propre importance, que chaque parole, chaque détail du visage de votre interlocuteur devienne la chose la plus unique au monde...

Dionysos nous a offert l'accès au monde magique, nous permet d'ouvrir notre sensibilité et notre perception au monde d'à-côté du monde, nous offre l'occasion de nous réveiller de notre engourdissement dans la routine, dans le paysage quotidien qui nous environne et que nous ne voyons plus, pour nous rappeler à ce que nous sommes vraiment, des êtres vibrants dans un monde en permanence renouvelé par la seule force de notre imagination.

L'Amoureux / the Lover

Bien sûr ! Il est bien là, présent depuis les débuts de l'humanité... l'Amoureux !


Il n'y a rien de plus permanent dans la nature humaine que l'envie d'amour. Évidemment le désir, le désir physique, la pulsion sexuelle. Mais tout autant le désir global de l'Autre, connaître, entrer en sympathie, en empathie, en résonnance. Ecouter, partager, rire, faire, construire. C'est toute l'altérité que j'ai envie d'englober dans l'Amoureux. 
Qu'est-ce que c'est que ce drôle de Caractère !? Il est lunatique, il est capable d'une attention soutenue et désintéressée, il est capable de s'oublier lui-même pour se consacrer à l'autre ! C'est l'anti-individualisme, l'anti-Moi, c'est le Don, la capacité de se dédier à une autre personne, une autre vie, une autre histoire que la sienne. 
L'Amoureux, c'est l'initiation dionysiaque, l'élan, l'instinct de fête et de désir qui s'exprime, celui qui nous fait croire un instant que l'harmonie est possible, la compréhension et la fusion des consciences, la possibilité de ne plus être Seuls ! C'est une frénésie sauvage qui défie la réalité, les convenances, l'ordre social policé pour aller encore plus loin et établir que l'on peut fonder des relations généreuses, altruistes, où son seul intérêt n'est pas forcément celui qui va primer. 
Mais ce nouveau contrat passé entre les êtres est peut-être encore une fois basé sur une illusion. La Grâce, ce moment suspendu, hors de la logique du Temps et des êtres, celui où l'on dépasse sa propre condition dans  une impulsion de partage et de compréhension intime, instantanée de l'Autre, cette Grâce magique ne dure pas et les double-jeu, les intérêts, les contrariétés, les incompréhensions rejaillissent. 
Alors, à quoi sert donc cet Amoureux qui n'arrive à rien ? POurquoi ressurgit-il toujours, dans tout être, dans toute époque, dans toute civilisation ?

Le Vin est un grand allié de l'Amoureux. Il peut apporter ce moment de Grâce qui dépasse et surpasse les contingences sociales et personnelles. Le Vin révèle avec éclat cette part d'altruisme, de goût des Autres que nous portons tous au fond de nous-mêmes !

Le Guerrier / The Warrior


Le Guerrier... qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que ça vient faire dans une introspection de l'âme humaine ? Et de la place du Vin dans la révélation de cette âme !?
Pourquoi démarrer par la violence, la guerre ? Pourquoi en faire un archétype incontournable de la personnalité humaine ?
En fait, on peut utiliser cette image du Guerrier dans un autre registre, et c'est plutôt celui-là qui me motive au départ : le Guerrier, comme une attitude face à la vie, face à soi-même.
Le Guerrier est celui qui prend sa vie comme un combat, permanent, long. Il sera défait à la fin, c'est sûr, la Mort l'attend, mais il veut que chacune de ses actions, chacun de ses instants soit vécu pour la totalité de ce qu'ils est, sans renoncement aucun à ce qui fait l'essence même de notre passage sur Terre : la Perception de la Rumeur du monde.
Alors le Guerrier prend les armes, celles de sa Volonté, de son Intention inflexible, il étudie le champ de bataille, il élabore une stratégie, il apprend à connaître ses ennemis, ils s'appellent "routine", "apparence", "envie", il choisit ses compagnons de lutte, mais il reste seul dans la bataille finale.
 Le Guerrier est la part de Volonté et de Contrôle que nous exerçons sur nos vies. C'est notre force intérieure, celle qui existe, intacte, complète à la naissance, et qui très rapidement est mise à l'épreuve par le monde, par l'éducation, par les règles de la société, par une description du monde qui n'est pas la notre mais celle fabriquée par l'époque. Alors nous pouvons soit réveiller cet esprit du Guerrier, le faire émerger pour reprendre le Contrôle de nos perceptions, et ouvrir nos sens à l'Inconnu, la surprise, l'Invention, la légèreté, la fluidité.
Le Guerrier est entraîné, persévérant, il accepte aussi de ne pas plaire, de se couper des autres, parce qu'il refuse les compromis et les faux-semblants. C'est une position inconfortable, qui peut conduire à un certain extrémisme, à une rigidité, une froideur et un manque d'empathie pour l'autre.
C'est l'autre face du Guerrier, qui s'isole et ne ressens plus la richesse et la complexité du monde, devient insensible, voire cruel, car c'est sa voie, sa réalisation personnelle qui seule compte.

Le Vin a accompagné durant l'Histoire cette figure du Guerrier. Soit en la soutenant, soit en l'infirmant.
On se souvient de la description des Gaulois que les historiens romains en faisaient : "des êtres chevelus qui s'enivrent et déferlent en hurlant et terrorisent les armées romaines".
Le Vin et l'ivresse permettent de passer dans un état sur-humain, qui laisse penser que l'on n'est plus sujet aux attaques mortelles, que l'on est invincible, immortel. De même l'excitation provoquée par l'ivresse repousse les limites de notre corps et permet des prouesses, des exploits guerriers qu'un homme sobre ne pourraient réaliser.
Le Vin étant une boisson sacrée par excellence, le boire permet donc également à l'orée du combat de renouveler le pacte, l'alliance que l'homme et le clan fait avec ses dieux, et lui assure donc un contexte "surnaturel" favorable pour le combat.
Dionysos lui-même est souvent accolé à tout un vocabulaire guerrier. Il a un air de général avec son bâton de chef, le thyrse magique. On le nomme commandant de ses armées de Bacchantes, qui vient reconquérir à Thèbes sa place naturelle. D'ailleurs, ses pérégrinations sont souvent comparées à des "campagnes", dans le sens militaire (en Inde, en Perse...). Et par ailleurs, la cruauté et la violence de ses réactions vis-àvis de ses détracteurs ou de ses opposants fait plus penser à un chef de guerre qu'à un dieu de l'amour et du plaisir !


les 7 Couleurs de l'Âme

Si le Vin révèle l'Âme humaine, alors quelle couleur ont-t-ils ?
Quelles nuances peut prendre l'âme humaine ?
Sur quelle palette faut-il aller pour représenter les mille facettes de l'âme humaine ?

Et encore faut-il la caractériser, cette âme...
Si on se concentre sur 7 nuances, comment procéder, comment faire pour caractériser les formes de la personnalité humaine, de son identité propre...
On peut faire déjà une répartition :
animal / instinctif       ==>  se divise en - la passion, l'amour  ---> la joie, le don ==  l'Amoureux
                                                                - la volonté, l'instinct  --> la volonté, la droiture = le Guerrier
intellect / conscience  ==> se divise en - la connaissance --> apprendre, comprendre = le Savant
                                                                - l'invention --> inventer, résoudre = l'Inventeur
imaginaire / ressenti       ==> se divise en : spirituel, mystique, contemplation = l'Ermite
                                                                     - créativité, interprétation = l'Artiste
et un dernier qui est sorti des clous, qui n'est pas dans la grille... = le Fou

J'aime bien cette relation triangulaire entre ces pôles puissants de l'être, le corps, la tête, l'émotion. Le dernier serait l'autre pôle qui nous gouverne, la pulsion incompréhensible, la part d'irrationnel, que certains attribuent à la place de l'énergie sexuelle.

Il y a d'autres façons d'aborder cette recherche des nuances de l'âme.

LA CREATION : Le Goût de créer, l'invention, la curiosité, l'émerveillement, 
LE POUVOIR : La réalisation de Soi d'abord, la maîtrise de soi et du monde, la domination sur les autres, l'exploitation de l'autre, l'envie et la jalousie, l'argent, le complexe de supériorité, 
LE PARTAGE : Le Don, l'envie de communiquer, de se dévouer, d'offrir de soi, la Parole, l'éloquence, le Théâtre, la joie, l'Histoire commune, le Bien commun, la Cité,
L'AMOUR : L'Harmonie, la Compréhension mutuelle, l'attirance et la séduction, la puissance et l'interrogation sexuelle, l'élan vital et animal, dernier degré de civilisation ou d'animalité, 
LA CONNAISSANCE : Comprendre pour améliorer, étudier, chercher encore même quand on a trouvé, inventer des idées, des concepts, 
LE SACRE : Quête permanente du sens caché des choses, perception d'un monde non explicable par la connaissance pure qui offre une réponse à la question de la mort et de la vie, monde invisible parallèle, potentiellement accessible via certain médiateur (dont le vin), quête du beau et du mystère,
LA DESTRUCTION : Inclination à la violence, à détruire ce qui a été construit, remise en jeu des matières et des forces, autodestruction, misère, maladie et mort, énergie puissante qui sert de base à une reconstruction plus complexe et plus riche, moteur de la création, désordre vital.

 Ce qui donnerait des personnages-type comme ceci :

Caractère
Trait de Caractère
Représente
Le Guerrier
Détermination, Animalité, Violence,
La Volonté
L'Artiste
Créativité, Visionnaire
La Créativité, l'Imaginaire
Le Moine
Spiritualité, Contemplation, Humilité
Le Goût du Sacré
L'Empereur
Autorité, Décision, Manipulation, Envie
Le Pouvoir
L'Amoureux
Joie, altérité, Don, Parole, Désir
Le Goût de l'Autre
Le Philosophe
Connaissance, réflexion, conscience
Le Goût de Comprendre
Le Fou
Désordre, Rébellion, Fête
Le Goût du Chaos


Evidemment c'est encore un peu réducteur des passions, des aspirations et des motivations de l'être humain. Peut-être plutôt que du Philosophe faudrait-il parler de l'Inventeur, qui veut résoudre les problèmes en créant quelque chose de nouveau, du Savant qui veut comprendre, du Sage qui se sert de l'expérience en plus de la connaissance...



En tous cas, ce qui est intéressant, c'est la place du Vin dans cette représentation de l'être. Le Vin exacerbe et révèle plus intensément chaque caractère, il lève les barrières et laisse s'exprimer plus librement l'inconscient et les inclinations de chacun. On a tous au-dedans de nous, en tant qu'êtres humains, une parcelle de chacun de ces caractères, nous pouvons suivre chacune des voies proposées et nous retrouver, d'une façon plus ou moins flatteuse dans leur expression libérée par l'ivresse.




Naxos, l'île des dieux

Apollon à l'arrivée...
La porte qui ouvre vers l'autre réalité.


Dionysos qui se la coule douce avec sa belle Ariane.










Et Zeus qui surveille tout ça de la montagne, là où il a vécu caché, enfant, élevé par les Naïades dans la grande grotte située juste sous le sommet...

Quel drôle d'endroit où le tonnerre qui gronde cet après-midi sur la montagne prend tout-à-coup une dimension mystérieuse, un signe, un assentiment, une menace ?
Le Dieu qui règne là-haut fait entendre sa voix, et soudain on s'interroge sur la sincérité de nos sentiments.






Le fabuleux trésor de Vix

Bien caché dans une petite ville tranquille de Bourgogne, Châtillon-sur-Seine, se trouve un objet exceptionnel, une merveille archéologique qui vaut bien à elle seule le voyage !

Le Vase de Vix !

C'est un cratère grec immense, le plus grand connu à ce jour, qui a été découvert en janvier1953 au pied du Mont Lassois sur la commune de Vix. Le cratère est un vase à vin de grandes dimensions où l'on venait puiser lors des banquets, les symposions.
Celui là est gigantesque, 1m64 de haut, 1m27 de diamètre maximal, il pouvait recueillir 1100 litres de vin !
En fait, on pense qu'il s'agit d'une pièce d'apparat, un cadeau démesuré fait en ambassade par des gens qui avaient intérêt à s'assurer les bonnes grâces des autochtones qui vivaient là !
Pour les premiers, on identifie facilement des Grecs de Grande Grèce, c'est à dire la Sicile, ou de Laconie dans le Péloponnèse. Pour les seconds, il s'agit des Gaulois qui vivaient dans cette région du nord de la Bourgogne, les Lingons ?

Bon, il y a suffisamment de littérature à propos du Vase sur internet pour ne pas répéter les mêmes choses. En tous cas, la visite du petit musée de Châtillon est passionnante, c'est rempli de pièces uniques, de merveilles, comme ce torque en or que portait "la Princesse de Vix".

2 liens utiles :
pelerin.com
musee-vix.fr




En fait, ce que je voulais rapporter ici, c'est le récit de cette découverte. Il est écrit dans un livre par son découvreur, René Joffroy, ou plutôt son co-découvreur, le vrai "inventeur" du trésotr étant juridiquement Maurice Moisson. Cela vient d'un vieux bouquin qui trainait dans le grenier familial, un récit qui sent bon le côté désuet, très "vieille France", où le bon professeur de campagne se révèle être un archéologue de talent et ou son "fidèle auxiliaire" de la campagne est traité avec un paternalisme déroutant !
Résumé de la situation : en 1940, René Joffroy est nommé professeur de philosophie à Châtillon. Depuis 1929, le Mont Lassois est connu pour ses innombrables poteries, fouillées par Lagorgette et un paysan-chasseur du coin, Maurice Moisson. Joffroy, archéologue amateur confirmé, embauche Moisson et ils reprennent des campagnes de fouilles à Vix avec quelques subventions publiques.
En décembre 1952, la campagne se termine avec rien d’extraordinaire au tableau... Objets en bronze, des centaines de tessons de céramiques, les vestiges d'un rempart de fortification gaulois. Il reste 15 000 francs (de l'époque ! ceux qu'on appelait anciens francs, donc 150 francs !). On est le 3 janvier 1953, il neige, Moisson a dit  qu'il y avait des cailloux dans un champ qui "n'avaient rien à faire là" ! Allez, un dernier sondage pour utiliser le reste de sous, et après on arrête pour cette année.
Ils se mettent au travail, découvrent après une journée qu'il s'agit d'un tertre funéraire, une tombe gauloise. Ils sondent vers le centre, mais la chambre est vide. Il n'y a rien, une fois de plus ! On arrête, c'est fini. 
Voilà le récit :

"Le point final de cette camapgne de fouilles 1952 est mis, il ne reste plus qu'à envoyer le rapport de fouilles. Mais Moisson n'est pas rentré au village aussitôt ; il a retroussé ses manches sur ses bras que le froid colore et s'est mis à une dernière tâche ; en effet, avant la nuit complète, il allait enlever encore quelques cailloux en les retirant de l'eau. Cette obstination paysanne était méritoire et il convenait de laisser notre dévoué collaboratuer à cette tâche, qui pouvait apparaître vaine.
Des heures qui parurent interminables
C'était un mardi matin, et il m'en souvient bien. Il est 7h15. Alors que je suis en train de me raser, un coup de sonnette retentit. Quel peut être le fâcheux qui vient à une heure si matinale ? Dans la porte s'encadre Moisson et le rapport m'est fait, court et sans fioritures de style :
- Vous n'étiez pas parti deouis cinq minutes qu'en retirant les cailloux je suis tombé sur quelque chose en bronze. Je n'ai touché à rien, il faut que vous veniez. 
Hélas, le collège de Châtillon m'attend. Et comble de malchance, le mardi j'ai cours de 8 heures à midi, deux heurs de philo, une heure de latin, une heure de français. Je questionne Moisson :
- Ce morceau de bronze, comment est-il ?
Je pense tout de suite à une situle, sorte de seau tronconique, ou à un ciste, autre forme de seau dont le décor est formé de ceintures parallèles en relief. Je décris ces récipients ; mes paroles n'éveillent en Moisson aucun écho. Non, la petite lessiveuse ou le seau en bronzen ce n'est pas cela, et c'est par cette description imagée, mais combien énigmatique, que Moisson conclut :
- C'est arrondi, massif, et ça ressemble à un bât de mulet.
Et l’entretien se clôt sur ce leitmotiv :
" Il faut venir tout de suite ."
Moisson repart, nanti de la recommandation de ne toucher à rien. Il faut se garder de toute hâte. Il est vrai qu'avec lui il n'y a aucun risque, car cet admirable auxiliaire, qui a exhumé tant de dizaines de milliers de tessons céramiques, est "sage". Jamais je ne l'ai vu en proie à la frénésie de la découverte, et c'est pourquoi il est pour moi le fouilleur parfait. 
Adonc, comme aurait dit Rabelais, je fus à 8 heures bien exactement au collège.  Quel était le sujet de mon cours, je ne me le rappelle plus ; mais ce que j'ai appris ce matin-là, c'est la valeur de la distinction bergsonnienne du temps réel et du temps psychologique. On sait que l'heure est composée de soixante minutes et de soixante secondes. Et bien non, ce matin-là, les heures eurent infiniment plus de soixantres minutes et les minutes infiniment plus de soixante secondes ! Jamais les aiguilles de ma montre ne se révélèrent aussi lentes. 
Midi. Je regagne la maison. Ma motocyclette est dans le garage. Un quart d'heure après je suis à Vix. J'entre chez Moisson. Sur la table, il y a soigneusement groupés en tas, des tessons grecs à figures noires, et, pour la première fois, ces tessons se raccordent ; on imagine que quelques gouttes de colle suffiront pour remonter un vase - c'était une coupe - presque complet.
Jamais jusqu'alors une telle chance ne s'était présentée. A côté, c'est un fragment de bronze : sur une console en S un lion admirable de vie est campé ; le métal sombre est recouvert d'une fine poussière gris-vert qui rappelle le délicat velouté des prunes cueillies sur l'arbre. 

Tout ceci a été recueilli ce matin par Moisson, qui, pour une fois, a manqué à ses bonnes habitudes : il n'a pu se retenir de chercher un peu plus loin ; mais il a pris grand soin de noter la position exacte des tessons et la position du lion en bronze. Je vais sur le site. Paris (l'assistant de Joffroy) y est aussi. Moisson enlève un vieux sac tout mouillé et quelques pierres, protection qu'il avait mise contre d'éventuels curieux. Apparaît alors le visage d'une Gorgone. C'est Méduse, qui fort irrévérencieusement me tire la langue.
Paris dit : "C'est sensationnel". Moi, je ne dis mot. Nous enlevons les pierres pour mieux y voir : le "bât de mulet" se révèle être le dos d'une anse d'un vase énorme, sans équivalent connu. Entre les pierres brille un reflet de métal clair : c'est une coupe en argent, cabossée, mais dont le fond est orné d'un ombilic en or ; dedans il y a des ossements verdis d'un petit animal, qui ont une teinte magnifique de malachite. Tout cela est recueilli avec soin. Et je songe qu'à 3 heures, j'ai un cours de latin. Il me faut partir. 
Une neige fine tombe toujours, enveloppant d'un voile mélancolique la terre empesée de richesses imprévues..."

René Joffroy
Le Trésor de Vix
Histoire et portée d'une grande découverte.
Fayard. Collection "résurrection du passé". 1962


Voila des photos tirées de ce livre. Je trouve que, comme le texte, elles sont émouvantes ; on y devine l'étrange ambiance, exaltante et surréaliste de cette plaine enneigée, de ce trou bourbeux, de ce petit coin perdu où 3 bonshommes bougent des pelletées de cailloux et de boue et où apparaît un objet incroyable, très ancien, une anse de bronze parfaite, très grande, qui laisse supposer... quoi ? Et c'est toute la magie de l'archéologie qui est à l’œuvre, au moins celle qui fait rêver et nous fascine, nous les profanes, ce quoi plein de promesses et d'espoirs inquiets, car ils se doutent bien que dessous il n'y aura certainement pas grand-chose, en tout cas des choses très abimées, détruites par le temps et l'eau de la nappe phréatique de la Seine qui coule à quelques dizaines de mètres.
Et pourtant, le cratère magnifique sera bien là, au rendez-vous... magnifique !


Dolia #épisode2

Avril 2014
Après l'étanchéification du dolium avec la cire d'abeille, le séchage (1 mois) et l'évaporation de l'odeur prégnante de la cire, il est temps de mettre le vin en jarre. Pierre Gaillard offre un Croze-Hermitage 2013, en fût ; une partie de la même vendange sera ainsi élevée dans le dolium, l'autre de manière traditionnelle en fût et barrique de chêne.
Pendant le mois, il a fallu construire un couvercle au dolium, ce qui n'est pas simple vu que le col de la jarre n'est pas vraiment parfaitement plan. Il faudra mettre pas mal de graisse végétale pour boucher tout ça. Au domaine est donc assemblé avec un fond de tonneau un couvercle en bois. IL faut aussi y percer une bonde de remplissage.
C'est toujours la même équipe, Christophe et Stéphane, du musée de St Romain-en-Gal qui se retrouvent un matin d'avril pour le remplissage du dolium avec le Croze.



C'est donc bien le bouchage qui pose problème. Le couvercle n'a pas supporté la pression du vin par dessous, les dosses se sont disjointes, le joint aussi n'a pas tenu. Par contre, la cire semble bien jouer son rôle, il n'y a pas de fuites sur le dolium lui-même, et après quelques jours, il semble bel et bien étanche. Le bouchon finalement lui aussi sera remastiqué et va fonctionner normalement.
L'élevage peut donc commencer, on verrra dans 1 an ce que ça donne !

Dolia # épisode1

Avril 2014 : étanchéifier les dolia Le Musée gallo-romain de St-Romain-en-Gal dans la Vallée du Rhône 30km au sud de Lyon s'est lancé pour la 2e année dans une expérimentation archéologique et historienne : fabriquer avec un potier des dolia, autrement dit des poteries cuites qui serviront à recevoir du vin et à l'élever.
 On se donne rendez-vous avec Christophe Caillaux qui conduit l'expérimentation chez Pierre Gaillard qui est passionné également d'histoire du vin et qui prête les murs et une part de sa vendange 2014 en Croze-Hermitage. Il mettra une part en cuve, et une autre en dolium, et on verra à la dégustation comment le vin aura évolué.
 Avec Christophe à la prise de son et moi à la caméra, on va passer une matinée active dans les odeurs fortes de cire d'abeille chaude ! C'est très agréable, reste à savoir si le vin prendra ou non ce goût puissant !? (d'après Christophe C. ils ont fait l'essai déjà l'an dernier, et apparemment, ça ne marque pas du tout le vin. A voir en 2015 donc).

 

 musique : Antoine et Jean-Lou Cuenne
prise de son : Christophe Foulon
image & réalisation : Dan Derenne
Tamada Prod. 2015

Vin mystique

Surprise en Géorgie, au détour d'une balade le long d'une voie de chemin de fer perdue dans les collines...

Train Georgie / Georgia from Tamada on Vimeo.



...un monastère, tout pimpant perché !

Calme, méditation... et sur la porte, ces incroyables ceps de vigne qui forment les poignées, en bronze.
Sur les 2 entrées de la petite église, la vigne est présente ; est-ce elle qui ouvre les portes de la spiritualité !?

Nous sommes au monastère de Motsameta, près de Kutaïssi, et pas loin de l'autre ensemble magnifique de Gelati.

de l'utilisation de la fiction en milieu documentaire...

Surgi du noir du Temps, un homme vêtu d'une longue toge, à l'air dur mais efféminé également avance dans des groupes de personnages immobiles, figés, menaçants, suspicieux. La cité est suspendue aux pas de cet étranger. Le dieu du Vin est dans les murs, on ne sait pas ce qui va arriver, une menace, un espoir, une folie...
Comment mieux raconter le mythe dionysiaque que de le jouer, de le faire revivre ? La parole des historiens, des savants, des archéologues ou des philosophes, des hellénistes ou des psychologues n'y fera rien : la puissance du mythe tient à notre identification, à notre immersion dans le frisson de la Vision !

La magie du Cinéma est là pour ça ; depuis plus d'un siècle, le cinéma nous propose le voyage imaginaire, le rêve éveillé, faire émerger du néant, des profondeurs de notre inconscient des histoires et des associations d'idées qui nous provoquent et nous éclairent.

La fiction est en accord parfait avec le Vin ! Le Vin nous décale de la réalité, comme la fiction. On veut toujours définir le documentaire comme "une vision du réel" ! Mais je ne crois pas. Qui peut affirmer que la caméra installée dans un milieu ne déforme pas ce milieu ? Qui peut seulement imaginer que la présence du réalisateur, de son attente, de son intention, n'est pas un facteur dérangeant, modifiant, pour la scène, les rapports humains, les attitudes, les arrières-pensées ?

Dans l'Histoire du Vin, la fiction va renforcer la partie documentaire. Elle seule peut expliquer la part d'incontrôlable, de spontané, d'irréfléchi, d'illogique dans les actes et les attitudes des hommes confrontés au Vin. Elle peut nous proposer d'entrer dans les mécanismes psychologiques complexes enfouis dans la psyché humaine et révélés par le vin, elle peut nous proposer une lecture des élans amoureux, spirituels, de la part d'animalité, de sauvagerie et de rebellion qui nous habite tous à des degrés divers.

 Mais il n'est pas simple d'intégrer ce voyage imaginaire dans le propos documentaire. Dans bien des cas, la frustration, le côté plaqué et artificiel du mélange des genres va sauter aux yeux. Si l'on est bien dans le propos documentaire, si le film avance bien, de la découverte avec les scientifiques des usages et des témoignages historiques, pourquoi se plonger dans un univers subjectif, propre à l'auteur, fantasmé, inventé, même sur des bases historiques ? Pourquoi, lorsque l'on est entré dans la fiction, lorsque des personnages ont commencé à nous attirer dans leur histoire, dans leur psychologie, dans leurs tourments ou leurs interactions, pourquoi les quitter à nouveau pour écouter parler un type de maintenant qui discoure sur cette scène ? Quelle frustration ! C'est tout le défi qui nous attend dans ces reconstitutions, cette mise en fiction, cette vision personnelle et artistique que je voudrai proposer !

sources images :
http://bloodandartsart.tumblr.com/post/104259372828/dionysus-ii-ballpoint-pen-on-moleskine
http://wheredionysosdwells.tumblr.com/post/107595662920/animus-inviolabilis-etude-of-a-bacchante-on-a
http://drakontomalloi.tumblr.com/post/87521060360/workshop-of-leonardo-da-vinci-bacchus-n-d
http://40.media.tumblr.com/425832f1345b3c23e4ad264415c713d5/tumblr_n8gqikM6Zb1rs1xsxo1_1280.jpg

ma nuit au Néolothique #4



La femme approche la coupe de Vin. Les flammes sculptent le visage parcheminé du vieil homme qui est mort aujourd'hui. La femme penche la coupe, la goutte tremble dans la lumière mouvante. A côté du brancard de feuillages, la vieille femme psalmodie les anciennes litanies...
Le Vin... pour accompagner le mort dans son voyage vers l'inconnu, vers le Mystère !